ô Marie…

Je n’aurais jamais cru écrire une jour sur Johnny.

Et pourtant, un léger coup d’oeil dans le rétroviseur suffit à comprendre que toute ma vie est jalonnée de lui.
Du jour où l’on m’a nommé, comme lui, Jean-Philippe.
Les sempiternelles histoires de mon père qui l’avait rencontré début 70’s à Deauville, avec « Carlos et Sylvie » – oui, mon père fait du namedropping tellement il s’en sentait proche.
Les vinyles paternels, à l’époque où ils n’y avaient que ceux là à mettre sur la platine, et donc l’apprentissage de toutes les paroles qui, comme autant de prières, reviennent encore avec une déconcertante évidence 30 ans plus tard.
Ou encore la sortie du film « Jean-Philippe », où il est quand même peu commun de voir l’entièreté des Champs-Elysées couvertes de banderoles portant son prénom.
Qu’on l’aime, le déteste, l’idolâtre ou l’ignore, personne ces 50 dernières années n’a pu échapper à Johnny.
Longtemps son décès a été pour moi l’occasion d’annoncer un départ à l’étranger d’une semaine, pour éviter le tsunami médiatique qu’il allait immanquablement générer. De ce point de vue, nous n’avons pas été déçus. Partout, tout le temps, « Johnny est mort ».
Alors oui, j’ai vu ses fans, pleurer, crier, chanter et pleurer encore « leur Johnny ».
Oui, je me suis moqué de leur façon d’en parler, de leurs attitudes de rockers trop vieux, de leurs looks improbables à base de blousons au cuir délavé sous la pluie des concerts et de t-shirts imprimés achetés à prix d’or, et souvent assortis de tatouages dignes d’un « topito: les pires portraits tatoués ».
Et puis… et puis aujourd’hui j’ai vu ma voisine.
Elle s’appelle Marie (comme la chanson). Elle est fan de Johnny depuis le premier jour. Le plus beau cadeau qu’une de ses filles lui ai fait: appeler sa petite fille Laura.
Marie pleure chaque jour depuis une semaine. Quand j’ai appris la mort de Johnny, c’est à elle que j’ai pensé en premier, parce que je l’imaginais déjà cloitrée, dans la pénombre, passant sur son écran de télévision trop grand, dans son salon trop petit, les concerts de son idole. Elle n’en a manqué aucun. Mieux: elle les a tous faits 2 voire 4 fois par tournée.
Aujourd’hui j’ai vu Marie. Un petit bout de femme meurtrie comme on l’est quand on perd un proche.
« je n’arrive pas à m’y résoudre. Quand j’ai appris sa… (le mot ne sort pas), j’ai pas voulu y croire. Depuis toujours il était là. Et là… plus rien. C’est un grand vide. J’ai regardé ses obsèques. J’ai bien vu le corbillard, la foule. Et pourtant, jusqu’au bout, j’espérais. Johnny allait être là, debout… vivant. Mais non. Alors j’ai pleuré. C’est toute ma jeunesse qui est morte. Et avec lui, toutes mes envies. Tu sais, je ne dépense rien, sinon pour aller le voir en concert et acheter ses disques. Alors maintenant… qu’est-ce qu’il me reste? »
Les larmes perlent d’abord, puis coulent. Marie n’a pas de sanglot.
Je retrouve ces larmes si particulières que l’on a lorsque la tristesse est tellement grande qu’elle déborde.

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