Décharge corollaire

Les nuits d’insomnies profitent du calme et du silence ambiants pour laisser place aux pensées les plus diverses.

Pensées qui peuvent être vite envahissantes, puisque très vite on réalise qu’elles ne sont pas maitrisables. Tu as beau faire ce que tu veux comme circonvolutions pour t’en éloigner, toujours, à un moment, elles reviennent perfides qu’elles sont.

 

Ce qui m’étonne, c’est que ces pensées sont « verbalisées ». Non, on ne parle pas à haute voix dans le lit pendant que notre moitié ou notre doudou dort à côté. Mais dans notre tête, une voix, « notre voix » vient nous parler.

Elle vient faire une liste de courses, une liste de choses qui ne vont pas, une liste des trucs sympas qui se sont déroulés. Des inventaires à la Prévert pour des nuits sans couleur.

 

Cette voix est la fois la notre, et celle de personne. En fait, cette voix est synthétisée par notre cerveau.

Depuis notre enfance elle nous accompagne, et c’est elle qui est responsable d’un syndrome que nous connaissons tous : lorsque l’on entend notre « vraie voix » (la verbalisée) on ne la reconnaît pas. Forcément. Quand d’un côté tu as une voix intérieure, qui te parle 18h par jour, c’est elle qui devient l’étalon.

 

J’ai essayé d’écouter la mienne. Pour moins l’entendre sans doute.

Elle n’est ni masculine ni féminine.

Elle n’est ni aigue ni grave.

Elle sait chanter, mais ne sait pas imiter. Lorsque j’essaie, elle connaît les paroles, les intonations, mais reste la même. Si je veux lui faire prendre celles d’un Pierre Lapointe par exemple, elle se met en veille, et c’est alors la partie cognitive qui doit se mettre en branle pour me passer le morceau stocké quelque part, l’original.

 

J’ai essayé de la localiser aussi. Pour la faire taire. Trouver l’interrupteur nécessite de savoir où le chercher. J’avais l’impression qu’elle venait du lobe frontal. Des chercheurs ont démontré qu’elle viendrait plus probablement du cortex auditif (clic). Le même qui sert à analyser la parole entendue.

Nous utilisons donc la même partie de notre cerveau pour nous parler à nous même. En revanche, nous n’utilisons ni la partie qui gère la parole, ni le conduit auditif.

 

Nous ne le faisons pas pour ne pas réveiller la moitié / le doudou qui dort à côté. Ni pour ne pas avoir l’air d’un schizophrène dans les transports en commun.

Nous le faisons pour économiser notre travail cérébral, ce que les chercheurs appellent « la décharge corollaire ». Pour anecdote, c’est le même principe qui fait qu’on ne peut pas se chatouiller soi-même : notre cerveau sait qu’on va se chatouiller (ll sait tout, il est chiant), du coup, il coupe le principe de réaction (rire) pour s’économiser la mise en branle de la centaine de muscles que cela nécessite. Cerveau : grosse feignasse ! (clic).

 

Cette décharge corollaire est aussi la technique qui nous permet d’avoir une conversation.

Lorsque l’on échange avec quelqu’un, notre voix intérieure n’est pas sur mute, elle continue de s’activer (rappelle toi ces réunions où tu écoutes celui qui parle tout en entendant défiler des idées dans ta tête). Sauf que pour parler, quand il faut intervenir, la décharge corollaire intervient, et elle coupe le son interne (on est bien d’accord que 3 personnes qui parlent en même temps c’est pas possible… bon, là en vrai ce sont même 4 personnes parce que ton interlocuteur aussi il a sa voix intérieure qui fonctionne).

 

Maintenant que tu en sais un peu plus sur cette petite voix (enfin, j’espère), tu te demandes pourquoi en faire un post ?

Le savoir, c’est le pouvoir. Comprendre c’est maîtriser.

 

On ne peut pas faire taire cette petite voix.

En revanche, on peut la comprendre, l’analyser, ne plus en avoir peur et au final ne plus lui laisser cette place envahissante quand le sommeil ne vient pas.

Elle n’est pas tierce, elle n’est pas conseillère.

 

Cette voix c’est moi.

Ce sont mes pensées qui se verbalisent intérieurement.

Rien de plus.

 

Pour en lire un peu plus sur le sujet : clic

4 réflexions sur “Décharge corollaire

    • Comprendre enfin pourquoi je ne peux pas me chatouiller ! As-tu remarqué que si on utilise un objet intermédiaire, il y a quand un effet même s’il est moindre que si l’objet est manipulé par un tiers (je pense à un
      masseur de tête…)

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  1. Décharge corollaire, expression moins rigolote que Gloire Matinale mais je sens que je vais l’adopter celle là aussi. Ce que j’aime chez toi, c’est que tu apportes toujours un éclairage sur nos p’tites vies sans qu’on ne demande rien et quand tu le dis ou l’écrit, tout devient plus clair dans celles-ci, enfin surtout la mienne.
    Les heures qui suivent mon lever nocturne vont avoir une autre couleur grâce à toi.

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